La correction des fautes sur le Web divise et clive…
Sur les réseaux sociaux, au-delà des sujets abordés, les erreurs de grammaire, de conjugaison ou de ponctuation donnent naissance à des remarques désobligeantes éloignées de la bienveillance. Certes il existe des fautes grossières qui font mal aux yeux mais doit-on pour autant s’en exaspérer au point de les tourner en dérision, sans se soucier de blesser leurs auteurs ? Les plus susceptibles s’arment parfois d’insultes pour laver l’affront.
Selon l’institut national de la statistique et des études économiques, qui a publié récemment une enquête sur l’orthographe, 16% des 18-65 éprouvent « des difficultés dans les domaines fondamentaux de l’écrit ». Pour 11%, les difficultés sont même « graves ou fortes ».
La perte de maîtrise de la langue française tend à peiner les dépositaires d’une écriture sans faute qui voient dans le phénomène un danger pour notre culture. Cette crainte peut s’appréhender mais notre héritage culturel ne s’enrichit-il pas justement et régulièrement des néologismes et des variantes du français comme le parler gaga ou l’argot ? Quid de certaines paroles musicales faisant trembler les « feuilles » des uns, enchantant les « esgourdes » des autres ? Quid de la poésie des syllabes et des onomatopées fantaisistes dans le scat du jazz ? Jamel Debbouze aurait-il eu le succès que nous lui connaissons sans amuser la galerie avec ses fautes de français ?
En septembre 2001, dans sa rubrique Interview Proust express, Thierry Ardisson avait posé cette question à feu Jean d’Ormesson de l’académie française :
« Quelle est la faute pour laquelle vous avez le plus d’indulgence ? »
L’académicien avec son humour subtil et ses yeux bleus pétillants de malice lui avait répondu, se fendant d’une belle coquille dans la négation : « Les gens qui causent pas bien ! ».
On peut se dire choqué par les personnes se foutant de faire des fautes avec une désinvolture déconcertante. Mais la richesse de notre langue est telle qu’on ne devrait pas s’indigner facilement des erreurs qui ne gâchent pourtant pas le sens du contenu. Souligner la faute avec délicatesse en tête à bugne et sans public me semble plus approprié qu’une remarque blessant son auteur. Le coup de règle du prof sur le bout des doigts de l’élève devant toute une classe est révolu.
Perso, bien que sensible au bon usage de l’orthographe, je trouve davantage dangereux de museler des personnes qui ont des choses à exprimer mais qui se l’interdisent de peur d’une possible humiliation. Celui qui ne commet pas de faute ne perd-il pas cette imperfection qui fait de lui un humain ? Le malaise ne serait-il pas plus grand de le voir se robotiser. A la vitesse où vont les choses, peut-être verrons nous des animaux génératifs et des ânes braire : « IA ! » en lieu et place de leur « Hi Han » naturel !?
La tolérance et la bienveillance me paraissent préférables aux remarques désobligeantes, fleurissant que trop sur les réseaux sociaux. L’empathie doit s’inviter dans les interactions afin de ne pas faner le bon sens ni flétrir les bonnes intentions.
Et pour ce qui vous concerne, quand pansez-vous… les plaies de l’écriture ?
Plus sereinement, avec ou sans faute, qu’en pensez-vous ?